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Croquer la vie en hiver : la nutrition saisonnière comme médecine du vivant

  • Photo du rédacteur: François Lovo Pro
    François Lovo Pro
  • 16 nov.
  • 6 min de lecture
Femme souriante en manteau et écharpe rouge dégustant un dessert chaud dans la rue un soir d’hiver, lumières de la ville floues en arrière plan.

L’hiver est une saison qui nous invite à rentrer au bercail, à ralentir, à nous replier un peu vers l’intérieur. Là où l’été dilate les vaisseaux, ouvre les pores de la peau et nous pousse vers l’extérieur, l’hiver contracte, resserre, recentre. Sur le plan physiologique, cette période demande au corps un travail considérable, car il doit maintenir une température stable, préserver l’immunité, gérer la baisse de lumière et souvent une activité physique moindre. Dans ce contexte, l’alimentation cesse d’être un simple apport de calories. Elle devient un acte de protection, d’adaptation et presque de réparation.


Plutôt que de chercher à sur stimuler le corps par des excitants, l’enjeu est de l’accompagner, de soutenir ses mécanismes naturels, de respecter ce besoin de chaleur, de densité et de lenteur. La nutrition saisonnière devient alors une forme de médecine du vivant, douce et quotidienne, qui vient renforcer le terrain plutôt que lutter contre les symptômes.



Immunité hivernale, une affaire de barrières et de signaux


La prévention des infections hivernales ne commence pas dans la pharmacie, elle commence dans l’assiette. Notre système immunitaire repose sur deux grandes lignes de défense. D’abord l’immunité dite innée, rapide et non spécifique, qui agit comme une barrière et une alarme. Ensuite l’immunité adaptative, plus lente, mais capable de fabriquer des anticorps précis.


La vitamine C participe à ces deux niveaux. Elle soutient la fabrication du collagène, donc l’intégrité des muqueuses respiratoires et digestives, ces surfaces de contact où microbes et particules rencontrent notre organisme. Elle agit aussi comme antioxydant, en neutralisant les radicaux libres produits lors des réponses inflammatoires. Lorsque l’alimentation est riche en fruits et légumes colorés, cassis, kiwis, agrumes, poivrons, choux, le corps dispose de cette trousse de secours interne qui lui permet de répondre sans s’épuiser.


Le zinc, de son côté, est impliqué dans l’activité de nombreuses enzymes immunitaires et dans la maturation des lymphocytes. On le retrouve dans les graines, les fruits de mer, certains oléagineux. Une carence prolongée peut rendre les muqueuses plus vulnérables et ralentir la récupération.


La vitamine D mérite une attention particulière en hiver. Elle est synthétisée dans la peau à partir du cholestérol sous l’action des rayons ultraviolets. Lorsque la lumière diminue et que l’on passe plus de temps à l’intérieur, les réserves baissent rapidement. Cette vitamine, ou plutôt cette hormone, module l’activité de nombreuses cellules immunitaires, notamment celles présentes au niveau des voies respiratoires. Un taux insuffisant rend la réponse plus maladroite, soit trop faible, soit au contraire trop inflammatoire.


Soutenir l’immunité en hiver, ce n’est donc pas seulement prendre un complément ponctuel. C’est offrir quotidiennement au corps ce dont il a besoin pour maintenir l’intégrité des barrières, ajuster l’inflammation, réparer les tissus.



La structure du repas, une physiologie de la chaleur


Au delà des micronutriments, c’est la structure même des repas qui peut transformer notre ressenti de l’hiver. L’organisme consacre une partie importante de son énergie à la thermogenèse, c’est à dire à la production de chaleur. Les aliments froids ou très sucrés refroidissent et déséquilibrent la glycémie, ce qui provoque des pics d’énergie suivis de chutes brutales, accompagnés de fringales et de fatigue.


À l’inverse, des repas chauds, cuits lentement, composés de céréales, de légumineuses et de légumes de saison, soutiennent la combustion interne. La cuisson douce facilite le travail digestif, ce qui libère de l’énergie pour le reste du corps. Les fibres solubles contenues dans les légumes racines, les lentilles ou les pois chiches nourrissent le microbiote et stabilisent la glycémie, ce qui apaise aussi le système nerveux.


Le matin, un petit déjeuner protéiné permet de lancer la journée sur un axe stable. Les protéines participent à la synthèse de la dopamine, neurotransmetteur de l’élan, de la motivation et de la concentration. Œufs, fromage frais de qualité, purée d’oléagineux, yaourt végétal enrichi en protéines, associées à un fruit et à un peu de céréales complètes, évitent les coups de pompe de fin de matinée. Le corps reçoit le message qu’il peut avancer sans puiser dans ses réserves.


À midi, une soupe dense de légumes, un peu de légumineuses, un filet d’huile riche en oméga 3 comme l’huile de colza ou de noix, quelques herbes aromatiques et une portion de protéines constituent un repas à la fois réchauffant et digestible. L’après midi, une collation composée d’oléagineux et de fruits secs, amandes, noix, figues, abricots, dattes, fournit magnésium, tryptophane, fibres et bons acides gras. Ces éléments soutiennent la synthèse de la sérotonine et évitent les grignotages impulsifs.


Le soir, des plats simples, peu riches en sucres rapides, favorisent la sécrétion de mélatonine et un sommeil réparateur. Un estomac trop sollicité travaille pendant que le cerveau tente de récupérer, ce qui fragilise l’immunité et l’humeur. L’hiver est une saison où il devient particulièrement important d’alléger le repas du soir sans le vider de sa chaleur.



Neurotransmetteurs, lumière et moral d’hiver


La morosité hivernale n’est pas seulement psychologique. Elle a un ancrage biologique. La baisse de luminosité modifie la production de mélatonine, ce qui peut perturber la régulation du sommeil et de la sérotonine. Or la sérotonine est un neurotransmetteur clé pour le sentiment de bien être, la régulation des impulsions et la gestion du stress.


Pour soutenir cette voie, l’organisme a besoin de tryptophane, un acide aminé présent dans certains aliments comme les bananes, les oléagineux, les légumineuses, les produits laitiers et le chocolat noir. Lorsque ce tryptophane est consommé au sein d’un encas légèrement sucré et pris dans un moment de calme, il traverse plus facilement la barrière hémato encéphalique et peut être transformé en sérotonine. Une collation en fin de journée composée de pain complet, de fromage frais ou de yaourt et de quelques fruits secs peut donc participer à ce rééquilibrage en douceur.


Le magnésium joue également un rôle central dans la régulation nerveuse. Il intervient dans des centaines de réactions enzymatiques, notamment celles impliquées dans la transformation du tryptophane en sérotonine. En hiver, le corps en consomme davantage, car les muscles sont plus contractés et le stress parfois plus présent. Une alimentation riche en légumes verts, en oléagineux, en cacao peu sucré et en céréales complètes contribue à maintenir ce terrain nerveux plus stable.



Les plantes alliées de l’hiver, une immunité d’équilibre


Les plantes médicinales, lorsqu’elles sont bien choisies et employées avec discernement, peuvent accompagner de manière complémentaire l’alimentation d’hiver. L’échinacée est réputée pour soutenir les défenses de l’organisme au début des refroidissements. Elle agit en stimulant de façon modérée certaines cellules de l’immunité innée. Le cyprès est souvent utilisé pour le confort des voies respiratoires, en particulier lorsque l’air est froid et sec. Le cassis, riche en flavonoïdes et en vitamine C, participe à la modulation des réactions inflammatoires et apporte un soutien général en période de fatigue.


Le ginseng, quant à lui, est considéré comme une plante adaptogène. Il peut être proposé, avec prudence et avis adapté, aux personnes qui traversent une grande fatigue physique ou nerveuse après un hiver éprouvant. Ces plantes n’ont pas vocation à remplacer une prise en charge médicale, mais à soutenir l’organisme dans sa capacité à s’adapter, à condition de respecter les contre indications et de ne pas les utiliser en continu sans accompagnement.



La cuisine lente, la chaleur du lien et la gratitude


La physiologie ne s’arrête pas aux nutriments. Le système digestif réagit aussi à l’ambiance du repas, au rythme de la mastication, à l’état émotionnel dans lequel on mange. Le simple fait de cuisiner lentement, de laisser mijoter une soupe, de sentir le parfum du thym, du laurier, de la cannelle ou du miel, commence déjà à préparer les sécrétions digestives. Le cerveau anticipe, le nerf vague s’active, le corps se met en mode accueil.


Partager un plat chaud, rire autour de la table, allumer une bougie, prendre le temps d’une vraie pause, tout cela influence la sécrétion de certaines hormones comme l’ocytocine, associée au lien et à la sécurité intérieure. Or un organisme qui se sent en sécurité gère mieux les virus de l’hiver qu’un corps constamment en vigilance.


Manger devient alors plus qu’un apport énergétique. C’est un rituel de gratitude et de réconciliation. Gratitude envers la terre qui offre des légumes racines, des choux, des agrumes, des céréales. Gratitude envers ce corps qui transforme, filtre, adapte, protège, souvent sans que l’on en ait conscience. Gratitude envers la vie qui continue de circuler, même au cœur du froid.


Croquer la vie en hiver, ce n’est pas forcer la machine à tenir. C’est accepter de vivre à un rythme différent, plus lent, plus dense, plus intérieur. C’est choisir de nourrir la chaleur plutôt que la dispersion, la stabilité plutôt que l’excitation, la douceur plutôt que la lutte.


Saison après saison, cette fidélité aux besoins du corps devient une forme de médecine quotidienne, humble et puissante, au service du vivant. François LOVO nutrition saisonnière hiver


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